Aprés les incidents de Tricastin des raisons d’être exigeants

Un point de vue publié dans la NVO, hebdomadaire de la CGT
samedi 6 septembre 2008
popularité : 52%

Deux incidents ont affectés le site du Tricastin au cours de l’été : l’un chez Socatri, filiale Areva en charge du traitement de l’élimination de déchets et du traitement des effluents liquides issus de la phase d’enrichissement l’Uranium, l’autre à la centrale EDF de Tricastin. Des salariés, notamment d’Areva, sont impliqués dans les deux situations. L’union des syndicats CGT Areva a communiqué envers tous les syndicats du groupe, en l’attente d’un positionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de la tenue de comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) exceptionnels dans toutes les sociétés du périmètre concerné.

Dans le contexte créé autour et dans le secteur nucléaire en France, il faut maintenant faire part des enseignements tirés de tels événements, affirmer nos revendications pour que de tels incidents ne puissent plus survenir.

Nous ne sommes pas candides face aux risques industriels dans notre secteur d’activité, particulièrement contrôlé et observé. Chacun chez Areva à son embauche et tout au long de sa carrière reçoit ou en est censé recevoir, les formations et informations nécessaires à l’accomplissement de sa tâche. Dans le même ordre d’idées, les organisations sont constituées ou doivent l’être pour faire face aux situations d’urgence en cas d’incident ou d’accident. Nos responsabilités syndicales, sociales, sociétales ne se limitent pas à nos seuls mandants, elles s’étendent aux riverains de nos sites, nos familles et à la société toute entière. C’est à partir de cette conception que notre organisation a pris une part active et critique lors de l’élaboration de la loi transparence et sécurité nucléaire, dite TSN. Derrière la « transparence », se cache une réorganisation profonde des autorités de contrôle, l’abandon du rôle direct de l’Etat, une refonte des règles d’homologation des installations, l’indigence des « droits nouveaux » en faveur des CHSCT et plus généralement des instances représentatives des salariés, l’absence de précision sur les contenus que doivent apporter au public les fameux rapports annuels des INB, le flou sur la pérennité des financements des organismes en charge de la sûreté et du contrôle des installations, la légèreté des budgets des commissions locales d’information (CLI) qui limite leurs moyens d’investigation. Les décrets concernant les prérogatives nouvelles des CHSCT et l’instauration de CHSCT de site étant eux-mêmes qualifiés de « non urgent » ainsi que le contenu des informations obligatoires du public par les INB. Il convient de noter aussi le traitement réservé aux installations oeuvrant pour la défense nationale.

En dépit de ses faiblesses, la loi TSN situe et appelle les enjeux revendicatifs.

Le patronat du nucléaire ne s’y est pas trompé EDF, Areva, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), précisaient leurs attentes dans la revue « Contrôle » de l’ASN après un an de mise en œuvre de la loi TSN. EDF retient que les évolutions en cours « nous aident aussi à élargir le champ des fournisseurs qualifiés, français et étrangers, à même d’intervenir dans les centrales nucléaires » ; Areva se réjouit « de l’affranchissement de la tutelle ministérielle » sur l’ASN et place la loi dans le cadre de l’ouverture marchande du nucléaire, affirmant que « de telles dispositions sont rendues d’autant plus nécessaires par les craintes exprimées ici ou là, de voir la sûreté pâtir de l’ouverture des marchés de l’électricité, même si l’expérience internationale prouve que sûreté et compétitivité ne sont pas antinomiques ». Le CEA se plaint notamment que « les procédures sont maintenant précises mais leur mise en œuvre est lourde : il ne faudrait pas que cela dissuade des PME de devenir exploitants d’INB ou laisse penser que cette activité est réservée au secteur public ». A contrario, les incidents survenus au cours de l’été pointent les dérives de la privatisation annoncée. Ce sont les retards d’investissements, différés pour cause de dividendes à servir, les désorganisations opérées au motif de la rationalisation économique, l’insuffisante prise en compte des besoins en formation et en reconnaissance des hommes, les cascades de sous-traitance, qui transforment en « apprentis sorciers » les directions les plus expertes. Les inspections effectuées par l’ASN sur la PME Socatri, ses demandes depuis plusieurs années (accessibles sur le site internet de l’ASN), laissaient supposer l’incident en gestation. Or, Socatri n’est pas, stricto sensu, une PME. C’est une externalisation de fonctionnalités communes à Areva et EDF qui, dès lors, sont responsables sinon coupables.

Pour la CGT du groupe Areva, les enjeux revendicatifs sont clairs.

Le nucléaire n’est pas un produit marchand banal, son exploitation ne peut être assujettie aux seuls critères de rentabilité et de profit. Nous voulons être contrôlés et nous voulons que nos CHSCT soient associés à ces contrôles tant dans leur réalisation que dans les conclusions et corrections qu’ils appellent. Nous voulons une représentation de la sous-traitance dans les CHSCT, que les PUI soient exposés et discutés dans les instances représentatives du personnel et tenus à la disposition des salariés. Nous voulons que les exercices de sécurité soient régulièrement et fréquemment réalisés, la systématisation des maintenances préventives plutôt que curatives. Nous exigeons une formation professionnelle continue dans nos métiers ainsi qu’à la sécurité. Nous voulons participer aux CLI en tant que CHSCT et organisation syndicale représentative et nous voulons également que les CLI soient dotées de moyens suffisants, alors qu’elles disposent à peine de 100 000 euros en moyenne aujourd’hui. Nous ne sommes pas favorables à l’exclusion des inspecteurs du travail des CNPE. Nous voulons que toutes les contaminations de personnel soient portées au registre des accidents du travail, en prévision de leurs éventuels effets physiques à long terme et pour les effets psychiques qu’ils créent dès l’instant. Nous souhaitons peser, avec la CGT, sur la rédaction des décrets à venir dans notre intérêt et celui du public.