RETRAITES : Ce que veut la CGT

Article signé Bernard Thibault dans « Libération » 25 mai 2010
mercredi 26 mai 2010
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Beaucoup de salariés aimeraient comprendre ce qui se joue vraiment derrière l’annonce d’une nouvelle loi sur les retraites. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement certifie, la main sur le cœur, qu’il a d’abord la préoccupation du bien être des générations futures tout en saisissant le parlement à la hussarde pour des décisions qui seront, selon lui, « douloureuses mais justes ».

Les salariés majoritairement n’y croient pas, ils ont de l’expérience et de la mémoire. Cette « réforme » est annoncée comme la réforme, le « marqueur du quinquennat » du président de la république. Comme si la réélection du Président en 2012, déjà souhaitée par certains et tant redoutée par beaucoup, se jouait sur sa capacité à faire sauter le droit au départ à la retraite à 60 ans dans les mois qui viennent. Ce n’est plus des retraites qu’il est question, mais du parcours politique d’un homme.

La retraite est avant tout une conquête sociale. Il a fallu prés d’un siècle pour imposer ce droit. Il est loin d’être universel : moins d’un travailleur sur dix à l’échelle du monde en bénéficie. Finie aussi cette « retraite pour les morts et pour les riches », inatteignable pour la majorité des ouvriers que dénonçait la CGT dans les années 20. Quoi que…A entendre certains arguments, on peut se demander si l’on ne cherche pas à revenir en arrière.

« On vit plus longtemps, donc on doit travailler plus longtemps ». C’est le deuxième acte du « travailler plus pour gagner plus », qui glisse ostensiblement vers le « travailler plus longtemps pour gagner moins ».

Nous devrions ainsi oublier que plusieurs millions de salariés en France aspirent à trouver un travail leur permettant de vivre décemment, que la « gestion des ressources humaines » laisse sur le carreau les plus jeunes « faute d’expérience professionnelle » et renvoie au placard les plus anciens qui « coutent top cher ».

Ne faire travailler que les 30-50ans conduira à faire imploser notre système de retraites solidaires entre les générations. N’est ce pas, après tout, l’objectif inavoué des partisans de la retraite par capitalisation ?

Reculer l’âge de départ en retraite ou intégrer dans le travail 5 millions d’actifs qui en sont privés ? Voila une alternative dont il faut débattre.

Nous devrions également oublier que la productivité par heure de travail en France est la plus élevée du monde, au point qu’elle génère stress et usure prématurée de ceux qui créent les richesses.

La reconnaissance de la pénibilité de certains métiers devient incontournable et pourtant la réponse qu’on nous prépare est scandaleuse dans son principe : comme les voitures usagées doivent passer un contrôle technique, le salarié devrait passer une visite médicale qui constaterait son usure. La retraite serait alors autorisée juste avant la délivrance du certificat de décès !

Nous devrions aussi et surtout ne pas revendiquer qu’une part plus importante des richesses créées contribue à financer une période de la vie des salariés qui n’est plus dictée par les impératifs professionnels. Comme il n’était pas pensable en 1936 pour les employeurs de payer des salariés en congés, il serait aujourd’hui illusoire de financer durablement les retraites, c’est-à-dire une séquence de vie où les projets personnels se construisent librement.

Nous devrions enfin faire comme si les reculs que l’on nous prépare sur les retraites n’avaient pas de relation avec la crise financière et l’incapacité des gouvernements à tirer les véritables enseignements d’un mode de développement qui nous condamne à l’impasse.

Les états et le peuples ont été appelés en renfort pour sauver les banques et le système financier. Ils sont maintenant otages de la spéculation financière internationale comme en Grèce, en Roumanie, au Portugal, en Espagne… et en France. Cette crise nous a déjà couté 6 millions d’emplois en Europe en dix huit mois, et 200 Milliards d’euros pour les recettes fiscales et sociales.

Les politiques publiques sont sous la coupe des banques et des agences de notation internationales, véritables milices privées au service de la défense des intérêts du capital, qui exigent des gages par des économies dans les budgets sociaux. C’est ainsi qu’une « réforme des retraites » qui n’était pas au programme du candidat Sarkoszy, devient une urgence qu’il faut traiter avant la fin de l’année. La situation ne peut rester en l’état, nous dit-on, il faut rapidement trouver 30 Milliards d’euros par an pour financer les retraites. En réalité, le gouvernement cache ses desseins derrière le « petit doigt » de la démographie.

Nous voulons pour notre part, discuter d’emploi, de salaires, de politique économique, de ressources nouvelles et des conditions pour pérenniser le système de retraite par répartition. Rien n’est insurmontable, mais ce n’est pas en écrasant les salariés sous l’annonce de besoins de financement astronomiques qu’on réussira à les convaincre de la justice de l’opération. On ne décide pas de l’avenir de millions de personnes pour quatre ou cinq décennies en quelques semaines. La réforme des retraites exige tout autre chose qu’un débat à la sauvette, coupé par la trêve estivale et conclu par un débat en urgence au Parlement en Septembre.

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