EURODIF et Tricastin les enjeux : Stratégiques, industriels, économiques, sociaux.

La CGT refuse tous les chantages et demande la clarté
mercredi 3 février 2010
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Il n’y a pas d’autre site industriel en France pour la fabrication de l’Uranium enrichi, en cas d’arrêt d’EURODIF avant démarrage de la SET (Usine GB2), la France serait dépendante de pays tiers pour son approvisionnement (USA, Russie). Une telle situation remettrait en question les difficiles équilibres des accords internationaux en matière de commercialisation (quotas d’exportation par Etat) mais également de prix pour le combustible nucléaire civil.

Un site industriel unique en France

L’arrêt brutal d’EURODIF poserait plusieurs questions : est-il possible, existe-t-il des solutions de compensation à cet arrêt, qu’en découlerait-il sur le plan industriel, sur le maintien de la place compétitive de la France, dans ce secteur avec AREVA ? Et quelle serait la résultante industrielle globale d’un arrêt prématuré ou brutal sur l’ensemble de la plateforme chimie-enrichissement du Tricastin ?

L’arrêt d’EURODIF ne peut donc être décrété, sa date doit être connue précisément et son processus anticipé dans le cadre d’une vision concertée entre AREVA et EDF sous l’autorité de l’Etat.

Respecter des conditions incontournables et être transparent

Il convient donc de respecter un certain nombre de conditions : disposer d’un outil de rechange opérationnel (SET), planifier en conséquence cet arrêt et élaborer des procédés, procédures de mise à l’arrêt, les faire valider techniquement et réglementairement par les autorités de contrôle (ASN, Etat), informer les actionnaires, préciser les coûts associés et en assurer le financement.

Il a toujours été affirmé que la transition pour la production d’Uranium enrichi allait s’opérer en biseau afin de préserver les capacités de production nationale, transmettre les compétences, opérer dans les meilleures conditions la mise à l’arrêt des installations d’EURODIF et du site, le démarrage progressif de GB2.

Le plus grand flou règne sur ces différentes étapes dont les scénarii génériques ont fait l’objet de présentations sommaires depuis maintenant plusieurs années, sans pour autant que soit définie une date d’arrêt de production. Il ne s’agissait rien moins que de préparer les esprits à un changement, technologique, de modèle d’organisation industrielle, de gestion des ressources humaines, de logiques commerciales et économiques. Ne s’agissait-il que de faire de la plateforme du Tricastin le banc test de toutes les dernières trouvailles des écoles de gestion et des credo du capitalisme financier ?

La CGT réclame la présentation des dates d’arrêt des différentes installations, des autorisations de mise à l’arrêt, des procédés qui se mettront en œuvre et les plannings qui leurs seront associés, des financements des différentes opérations. Une présentation des impacts sur les différentes installations et établissements du site devra être faite simultanément.

Identifier les vraies raisons du litige AREVA - EDF

Pour la CGT l’agitation menée autour de l’arrêt d’EURODIF, et concomitamment de la « réorganisation » du site du Tricastin, relève de plusieurs facteurs, causes et responsabilités.

En toile de fond nous relevons : la crise du financement d’AREVA, l’interpellation de son plan stratégique, la nature des relations contractuelles du couple historique AREVA/EDF adoptant - l’un comme l’autre - les injonctions libérales de financiarisation des activités. A cet égard, les rumeurs de démantèlement d’AREVA amplifient les raisons des uns et des autres de conflictualiser leurs rapports, à passer tour à tour de la défensive à l’offensive. Le prétexte de la négociation commerciale de l’établissement du prix du service, la reconduction du contrat post 2010 entre AREVA et EDF pose avec acuité toutes les conséquences possibles d’une rupture entre EDF et AREVA sur « l’agreement » historique qui les liait sur Tricastin et EURODIF. On ne saurait taire non plus la rivalité entre électriciens nationaux que sont EDF et GDF-Suez, dont l’un – GDF-Suez – est actionnaire de la SET.

EDF semble avoir du stock et maintenir sa décision de s’approvisionner en Russie sans en passer par AREVA, elle récupérerait - si l’arrêt brutal d’EURODIF était possible - deux tranches nucléaires dont la production deviendrait commercialisable, donc autant de gain. AREVA a choisi l’option de prolongation de la durée de vie d’EURODIF à des fins économiques : rentabilisation d’une installation totalement amortie, maintien de ses stocks, gestion du chevauchement de démarrage de GB2. Ce sont là – hélas - les conséquences des relations normales entre un « client libre » et un « fournisseur libre » dans le monde de la concurrence « libre et non faussée » chère à tous les libéraux. Que deux entreprises du secteur public fassent fi des conséquences de leurs choix respectifs, sur l’enjeu stratégique de la continuité d’une capacité d’enrichissement, sur les outils industriels et les politiques sociales, n’est pas le moindre des paradoxes.

Au centre demeure l’avenir et la vie des salariés !

Face à l’Etat arbitre, non de choix techniques et/ou industriels mais de choix financiers, le facteur emploi est soudainement utilisé par AREVA comme joker. Ce « joker » est neutralisé par un EDF peu enclin à discuter et qui lui oppose sa capacité à reclasser 500 personnes d’AREVA en France. La CGT n’accepte ni les « fausses bonnes raisons » de ce poker menteur, ni l’augure d’une telle issue. Elle combat la perspective d’un plan social infondé, prélude à une généralisation à l’ensemble des entreprises du bassin de Tricastin. AREVA doit sur ce point raison garder et « l’équipe de France du nucléaire » garder cohérence et cohésion.
C’est en phase de travaux pratiques qu’émergent les problèmes et l’appel à des « solutions » dogmatiques, irréalistes, dangereuses dans leur application au nucléaire en particulier : organisation matricielle, pilotage des ressources humaines par l’amont sur la seule base des coûts, mobilité « évolutive » du management. Patent dans l’industrie automobile, l’échec de ces méthodes ne demande qu’à être vérifié chez AREVA. Les salariés de Tricastin n’en prendront pas le risque, AREVA comme EDF devront en tenir compte. Les premiers effets du nouveau management leur sont apparus lors de l’incident de SOCATRI. Ils craignent à justes raisons que l’émiettement et le brouillage de la chaîne de décision en rajoute.

La CGT exigeante

La CGT réclame une direction industrielle du site qui tienne compte des activités, des compétences requises, pour en assurer la pérennité et se prémunir des risques. De vrais directeurs d’établissements dotés de vrais pouvoirs et d’une garantie de pérennité sont indispensables. Sur le plan de la gestion des ressources humaines et de la gestion prévisionnelle des compétences et de l’emploi, il convient de rétablir les pouvoirs des services, une véritable gestion des métiers et des compétences en adéquation avec les besoins industriels.

La CGT, au service des salariés, prendra toutes initiatives pour faire capoter toute solution née de l’urgence et de l’opportunisme. Tricastin en tant que maillon essentiel de la filière nucléaire française, ne peut être le jouet d’aucune rivalité libérale, assassine pour l’emploi et la production, potentiellement dangereuse en termes de sûreté sécurité.

Paris le 3 février 2010